L’élimination du VIH est possible… sous conditions.

Dès l’ouverture de la conférence, l’objectif est rappelé : l’élimination des transmissions du VIH d’ici 2030. Mais ce qui jusqu’à présent semblait très hypothétique s’avère aujourd’hui réellement possible. En effet, plusieurs pays sont en bonne voie pour atteindre l’objectif 2025 de 95-95-95.

En premier lieu le pays hôte de la conférence. L’Australie a pu présenter ses excellents résultats 2022 [91,1% - 91,5% - 97,8%] et notamment en Nouvelle-Galles du Sud. La région de Sydney a en effet vu une baisse de 88% par rapport à 2010 du nombre de personnes ayant découvert vivre avec le VIH. Si de bons résultats peuvent également être observés en Afrique de l’Est et du Sud [92%-83%-77%] qui était précédemment la région la plus touchée, ce n’est pas le cas dans d’autres partie du monde. Il est même possible d’observer une augmentation dans certaines comme l’Europe de l’Est et l’Asie centrale. Ainsi, en 2022 ce sont encore 1'300'000 personnes qui ont découvert vivre avec le VIH à l’échelle internationale. La cascade VIH globale était encore en 2022 en dessous des objectifs 2020 de l’OMS [90%-90%-90%2 avec 86%-76%-71%. Il reste donc encore des efforts à faire pour que l’élimination des transmissions du VIH deviennent une réalité. Les présentations faites lors de la conférence de l’IAS indiquent les besoins et les mesures efficaces.1

En Australie, le nombre d’hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes ayant découvert vivre avec le VIH a baissé de 57% en 10 ans. Cela tient notamment à un large déploiement de la PrEP au sein de cette communauté. L’enquête annuelle 2021 montre ainsi que lors de leurs rapports anaux sans préservatif avec des partenaires occasionnels, ils sont plus de 75% (contre 69,8% en 2017) à utiliser une stratégie efficace pour se protéger du VIH dont plus de 30% la PrEP (contre 15,6% en 2010).

Le contexte et les conditions cadres doivent permettre de développer une réponse aux besoins de santé individuelle, communautaire et publique.

A l’échelle internationale, il ne sera possible d’atteindre l’élimination des transmissions du VIH que si tous les pays y parviennent individuellement. Cela implique que les populations des pays à revenu faible ou intermédiaire puissent accéder à tous les outils, notamment tous les traitements, grâce à un soutien financier international et/ou à des accords avec les détenteurs des brevets et fabricants.

A l’échelle nationale, les pays doivent développer des programmes prenant en compte les réalités locales que ce soit en termes d’épidémiologie (qui est exposé) que de déterminants sociaux (quel est leur contexte de vie) ou encore de structuration sociale et sanitaire (qui peut / devrait intervenir). Pour se faire, les pays doivent avoir une vision fine de leur situation épidémiologique afin de savoir auprès de qui il est pertinent d’intervenir (en priorité). Il est également indispensable de connaitre les réalités de vie et les besoins/attentes/préférences des groupes/personnes (particulièrement) exposé(e)s afin de développer une réponse adéquate [cf. ci-dessous]. Pour précisément savoir auprès de qui agir (en priorité), il est essentiel qu’un maximum de facteurs soient pris en compte dans les monitorages et enquêtes : sexe, (identité de) genre, orientation sexuelle, âge, lieu de résidence, appartenance ethnique et/ou culturelle, lieux de socialisation (notamment sexualisés), comportement sexuels, stratégies de réduction des risques et dommages… et que les données soient croisées afin d’identifier les différences entre les sous-groupes de population selon l’un et/ou l’autre critère.

Les données de l’enquête annuelle australienne auprès de la communauté LGBT («Gay Community Periodic Survey») ont permis de comparer les comportements des hommes* ayant des rapports sexuels avec des hommes et des femmes (MSMW -7% des répondants) à ceux des hommes ayant exclusivement des rapports sexuels avec des hommes (MSMO). Il appert que les MSMW ont plus fréquemment des rapports anaux sans préservatifs avec des partenaires occasionnels masculins (50,1% vs 42,2%) y compris sans traitement VIH préventif ou thérapeutique (30,40% vs 12,5%), qu’ils sont plus nombreux à avoir eu plus de 10 partenaires sexuels masculins au cours des 6 derniers mois (29,7% vs 17,5%)) et qu’ils sont plus nombreux à n’avoir jamais fait de dépistage du VIH (19,9% vs 3%) et à ne pas connaitre leur statut sérologique (20% vs 7,6%).

* Les MSMW sont plus nombreux à être trans (6,2% vs 0,8%) et non-binaires (13,1% vs 2,5%).

Les données de l’enquête annuelle australienne auprès de la communauté LGBT (« Gay Community Periodic Survey ») permettent notamment de suivre l’évolution des stratégies de réductions des risques de transmission du VIH des hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes en stratifiant par orientation sexuelle (gay vs bi), par classe d’âge ou par région de domicile. Si de manière générale, les HSH préviennent de mieux en mieux les risques de transmission du VIH (en particulier grâce à une augmentation significative du recours à la PrEP) et réalisent fréquemment des dépistages, il appert que c’est moins le cas pour les hommes bisexuels et les jeunes HSH.

Les outils numériques peuvent également être des outils précieux pour développer et mettre en œuvre les programmes et les mesures. Par exemple, l’intelligence artificielle peut permettre de mieux analyser des données afin d’identifier et de comprendre les différents groupes/comportements et donc de développer des mesures adapter visant à faciliter l’accès aux soins (ex. dépistage et traitement VIH) et de renforcer la rétention dans les soins (ex. traitement préventif ou thérapeutique contre le VIH). Des applications (ex. healthmpowerment.org) peuvent également contribuer à permettre aux personnes de mieux prendre soin de leur santé (ex. outil de soutien à la santé psychique, outil de gestion du traitement anti-VIH…) et aux services de santé de les soutenir le cas échéant.

Mais la définition et la mise en œuvre efficace d’un programme n’est possible que si le contexte socio-juridique le permet. Dans de nombreux pays, l’épidémie du VIH se concentre aujourd’hui dans certains groupes de population. Si ceux-ci sont l’objet de stigmatisation, de décriminalisation voire de pénalisation il sera impossible d’éliminer la transmission du VIH en leur sein et donc dans l’ensemble de la population du pays. De même, si les personnes vivant avec le VIH sont stigmatisées ou discriminées cela décourage le recours au dépistage et donc le cas échéant l’accès au traitement. C’est pourquoi, il est essentiel de défendre les droits humains:

  • Abroger les lois pénalisant les relations entre personnes du même sexe et le fait de parler d’homosexualité,
  • Abroger les lois pénalisant d’une manière ou d’une autre le travail du sexe,
  • Abroger les lois pénalisation la consommation de substance (et la détention de petite quantité de produit),
  • Abroger les lois interdisant l’affirmation d’un genre ne correspondant pas au sexe assigné à la naissance ou entravant l’accès et la délivrance de soins d’affirmation de genre.
  • Abroger les lois discriminatoires vis-à-vis des personnes vivant avec le VIH [ou une hépatites] et lutter contre les discriminations auxquelles elles font face.
  • Garantir l’accès aux soins (information et conseil, vaccinations, dépistages, traitements) aux membres des populations particulièrement touchées par le VIH et les hépatites virales (HSH, travailleuses du sexe, personnes ayant un parcours migratoire, personnes consommatrices de substance, personne incarcérées). En dehors des enjeux infectieux, les membres de ces populations ont par ailleurs des besoins de santé spécifiques ou plus fréquents auxquels il est également nécessaire de répondre (procédure d’affirmation de genre, santé anale, addictologie, santé psychique…) .
  • Contrer le racisme systémique y compris dans les institutions de prévention et de santé.

Une étude montre les liens entre la répression juridique des rapports sexuels entre hommes et la prévalence du VIH parmi les hommes gay et autres HSH dans les pays d’Afrique subsaharienne.

La prévalence du VIH chez les HSH est

  • 5 fois plus élevée dans les pays criminalisant l’homosexualité
  • 12 fois plus élevée dans les pays où quelqu’un a été poursuivi pour homosexualité
  • 10 fois plus élevée dans les pays ayant des lois contre les organismes de la société civile comme les organismes/services de santé communautaires

La prévalence du VIH chez les HSH par rapport aux autres hommes adultes est :

  • 13 fois plus élevée dans les pays criminalisant l’homosexualité
  • 18 fois plus élevée dans les pays où quelqu’un a été poursuivi pour homosexualité
  • 16 fois plus élevée dans les pays ayant des lois contre les organismes de la société civil comme les organismes/services de santé communautaires.

Les résultats scientifiques doivent être reconnus et se traduire dans les actes

Le rôle de la recherche scientifique est de développer les connaissances. Mais ce savoir est sans intérêt s’il n’est pas reconnu et sans effet s’il ne sert pas de base à des actions concrètes visant à améliorer la réalité observée. Nier l’évidence scientifique voire la remettre en question contribue à l’épidémie du VIH et met à mal la santé des personnes concernées et la santé publique.

  • La notion U=U [Undetectable = Untransmissible / Indétectable = Intransmissible] démontrée depuis plus de 10 ans [Partner 1 et Partner 2] vient d’être confirmée par l’OMS qui les intègre dans ses nouvelles directives publiées le 23 juillet. L’OMS s’appuie sur une méta-analyse publiée dans The Lancet qui confirme qu’une personne vivant avec le VIH dont la charge virale est en dessous de 1'000 copies/ml ne transmet pas le virus. Pourtant, dans les faits les personnes vivant avec le VIH sont encore stigmatisées et discriminées que ce soit par les personnels de santé (jusqu’au refus de soin), leurs proches, leurs – potentiel·x·le·s – partenaires sexuel·x·le·s, dans les médias et par là dans la société dans son ensemble. Certains pays ayant toujours aujourd’hui des lois pénalisant la non-divulgation du statut sérologique alors qu’il n’y a aucun risque de transmission.
  • L’efficacité de certains traitements à long effet d’action (ex. Cabotegravir LA) est démontrée ou le sera prochainement aussi bien pour le traitement thérapeutique des personnes vivant avec le VIH qu’en prévention (PrEP). Les données concernant le traitement à long effet d’action par injection montrent que ce format serait même plus efficace que le traitement par voie orale car il est plus discret (pas de comprimés à la maison), moins contraignant (pas de prise quotidienne sur une durée plus ou moins longue) et il permet de prévenir les transmissions liées à des oublis de prise. Ce format est particulièrement apprécié par les personnes assignées au sexe féminin à la naissance (femmes cisgenres, hommes trans et certains personnes non-binaires) qui ne peuvent pas utiliser le schéma 2+1+1 en prise orale. Les personnes devraient donc pouvoir y avoir accès. Pour les pays à revenu faible ou intermédiaire, l’enjeu du coût des médicaments doit être résolu. Ensuite, les autorités nationales doivent au plus vite autoriser ces traitements. Pour ce qui est de la PrEP, plusieurs pays notamment les USA ont déjà autorisés l’utilisation du CAB LA (cabotegravir long-acting) et c’est un changement de paradigme important. Ce n’est malheureusement pas le cas de tous les pays dont notamment la Suisse.

Des innovations scientifiques sont encore nécessaires.

Les outils aujourd’hui disponibles permettent de répondre à la majorité des besoins mais cela ne suffit pas. Dans certaines situations, les outils disponibles ne sont pas adaptés aux réalités et attentes. Par ailleurs, le poids du traitement dans la vie des personnes vivant avec le VIH est encore trop important.

  • La recherche sur les mécanismes du virus et de l’infection doit se poursuivre afin de pouvoir identifier de nouvelles stratégies de traitement préventif, thérapeutiques voire permettant la rémission ou même la guérison.

Les résultats de plusieurs recherches sur les réservoirs et les élites contrôleurs permettent de définir des stratégies pour une potentielle guérison.

  • Le développement de traitement antirétroviraux à usage préventif, thérapeutique voire curatif doit se poursuivre. La recherche doit encore permettre le développement de nouvelles molécules mais aussi de nouveaux modes d’administration qui permettent de maintenir voire de renforcer l’efficacité, de réduire les effets secondaires mais aussi de faciliter la prise.
    • Format : Prise orale, injections intra-musculaires ou intradermiques/sous-cutanées, anneaux vaginaux, implants, dispositif ingérable,
    • Intervalle de temps : hebdomadaire, mensuel, bi-trimestriel (tous les 2-3 mois), semestriel (tous les 6 mois) voire annuel (tous les 12 mois).

Premiers résultats encourageants concernant le développement d’un traitement combiné de 3 antirétroviraux (Ténofovir, Lamivudine et Dolutégravir - TLD) à administrer par injection intradermique. Cette nouvelle formulation permet une action à long terme. Les recherches cliniques doivent désormais déterminer l’intervalle possible entre deux injections.

Les résultats concernant différents médicaments et associations ont été présentés :

  • Doravirine + islatravir aussi efficace que Biktarvy (TAF/BIC/FTC)
  • Islatravir + lenacapavir en prise orale hebdomadaire (Phase II).
  • Lenacapavir + anticorps monoclonaux tous les six mois (Phase I)

Le Lenacapavir (Purpose) est également en cours d’évaluation pour l’utilisation en prévention par une injection sous-cutanée tous les 6 mois.

L’étude HPTN084 s’est intéressée aux préférences des femmes cisgenres concernant la PrEP. Les résultats montrent qu’une large majorité (78%) des personnes assignées au sexe féminin à la naissance préfèrent la PrEP par injection intramusculaire (CAB LA) à la prise orale. Certaines ayant choisi un modèle ont ensuite préféré passer à l’autre. La préférence pour la PrEP par injection repose notamment sur le souhait de discrétion (ne pas avoir de médicament à la maison) et sur le côté pratique (1 injection tous les 2 mois vs prise quotidienne).

L’étude HPTN084-01 vient confirmer ces résultats. 92% des jeunes femmes ayant initié une PrEP par injection intramusculaire (CAB LA) ont décidé de la poursuivre, pour autant, quelques une des participantes ont décidé de passer à une PrEP par voie orale.

Les avantages thérapeutiques des bNAbs sont:

  • Les BnAbs ne génèrent pas de résistance comme c’est le cas pour les traitements antirétroviraux.
  • Les BnAbs agissent longtemps (plusieurs semaines à 2 mois).
  • Les BnAbs ont une pharmacocinétique stable dans toutes les populations.
  • Les BnAbs n’induisent pas de cytochromes hépatiques et donc ne changent pas la pharmacocinétique des autres médicaments (pas d’interaction).
  • Les BnAbs ne sont pas toxiques.
  • Les BnAbs ont un index thérapeutique élevé. Ainsi, si des différences importantes de concentration dans le sang sont possible, cela n’affectera pas l'efficacité clinique et n’augmentera pas la toxicité.
  • Les BnAbs constituent une immuno-modulation bénéfique profitant aux cellules cytotoxiques T CD8+ qui peuvent éliminer les cellules réservoir de VIH (condition sine qua non d’une guérison).

Il ressort que les anticorps peuvent être utilisés pour leur activité virucide mais aussi pour leur activité de simple suppression de la multiplication. Il est alors possible de commencer à envisager une rémission sans thérapie antirétrovirale synthétique (ARV) grâce à des immunothérapies qui combinent plusieurs bNAbs, des bNAbs et une thérapie antirétrovirale (à long effet d’action) ou encore une vaccination qui susciterait des anticorps bNAbs. Il est aussi envisagé de développer des anticorps monoclonaux en laboratoire qui seraient tri-spécifiques, c'est à dire qui viseraient 3 épitopes différents à la fois via la même molécule d'anticorps. Pour rappel, d'habitude une molécule d'anticorps vise deux fois un seul et même épitope.

  • La recherche concernant les autres IST doit se poursuivre.
    • Les données concernant la protection contre la gonorrhée du vaccin contre la méningite B (Bexsero)3 [Edit du 15 mai 2023 – l’analyse finale des résultats a remis en question cette efficacité] montrent une protection croisée partielle mais non négligeable [40 à 66%]. En revanche, il n’existe pas de données pour les adultes sur la durée de l’efficacité et donc les besoins éventuels de rappels et à quel intervalle. Cela doit encourager la poursuite de la recherche dans ce domaine pour l’avenir mais aussi à s’interroger dès aujourd’hui sur la pertinence de donner accès à ce vaccin aux personnes particulièrement exposées afin d’enrailler les flambées épidémiques.
    • Les premiers résultats concernant l’utilisation d’un antibiotique en traitement post-exposition (PEP)4. La prise de 200 mg de Doxycycline idéalement dans les 24h (et jusqu’à 72h) suivant une pénétration sans préservatif montre une efficacité significative pour la prévention de la syphilis ainsi que de la chlamydia chez les personnes assignées au sexe masculin à la naissance (hommes cisgenres, femmes trans et certaines personnes non-binaires). En revanche, cette DoxyPEP s’est montrée inefficace pour les personnes assignées au sexe féminin à la naissance (femmes cisgenres, hommes trans et certaines personnes non-binaires) ainsi que pour la gonorrhée. L’impact sur le développement de résistances aux antibiotiques (AMB) [à la doxycycline mais aussi aux tétracyclines] de la gonorrhée ainsi que d’autres IST [Chlamydia suis avec un risque de transfert à C. trachomatis ; syphilis ; mycoplasma genitalium…] génère des inquiétudes. De même, l’impact sur d’autres pathogènes notamment ceux du microbiote intestinal est encore mal connu [Staphylocoque doré ; Escherichia coli…]. Pour autant, au vu de la situation épidémiologique dans certains groupes de population, une implémentation pourrait être envisagée pour les personnes particulièrement exposées à condition de mettre en place un dépistage régulier des IST et en cas de diagnostic un dépistage de confirmation post-traitement (test of cure) ainsi qu’un monitorage des résistances aux antibiotiques [phénotype et génotype des pathogènes]. Cela concerne notamment les HSH et en particulier une partie de ceux prenant la PrEP (25% des HSH suivis pour la PrEP représentent 75% des IST diagnostiquées). Dans ce groupe, l’adhérence est remarquable avec en moyenne 7 prises par mois

Une approche de santé holistique positive centrée sur les besoins des personnes est nécessaire.

Déstigmatisation / Décolonialisation

Pour parvenir à l’élimination du VIH, il est essentiel que les personnes les plus exposées aient accès aux soins. Or, il appert que dans de nombreux pays les membres des populations clés n’ont pas accès aux informations et à des conseils adaptés, aux dépistages ou encore au traitement préventif (PrEP) ou thérapeutique.

L’analyse des données du programme PEPFAR de 2019 à 2022 montre en effet que 70% des HSH et des TDS n’ont pas initié de PrEP durant cette période. Parmi les 1'371'984 personnes ayant initié une PrEP dans l’un des 40 pays participants, seulement 38% sont des hommes qui ont des rapports sexuels avec des hommes, des femmes trans, des travailleuses du sexe ou encore des personnes consommatrices de substance par injection.

D’après les modèles présentés, dans les pays à haute prévalence, il faudrait qu’au moins 50% des membres des population clés prennent la PrEP (15% dans les pays à faible prévalence). Pour y parvenir, il faudrait que le contexte social et juridique soit moins oppressif envers ces populations [cf. ci-dessus] et que des actions spécifiques soient mises en place [cf. ci-dessous].

Il est essentiel que les recherches/programmes/stratégies/mesures/actions soient définies et mises en œuvre avec les personnes concernées localement afin de correspondre à leurs besoins et leurs attentes. La participation communautaire permet par ailleurs de veiller à ce que le développement et la mise en œuvre prennent en compte les enjeux de stigmatisation/discrimination auxquels sont confrontées les communautés y compris dans les institutions de santé [racisme, hétérosexisme, cissexisme, validisme… systémiques]. L’approche décoloniale est notamment encouragée dans le domaine du VIH (recherche, soins, politique de santé).

Les sciences sociales et de la communication montrent également qu’une approche sous l’angle négatif du risque (très fréquente dans le domaine médical notamment dans la prévention du VIH) n’est pas efficace voire contre-productive. Une communication positive basée sur la motivation à prendre soin de soi et de sa santé [bio-psycho-sociale] s’avèrent beaucoup plus efficace (Self Care).

Diversification / Démédicalisation

Les enquêtes menées auprès des populations clés montrent des réalités et donc des besoins très différents. En miroir, il est essentiel que les réponses apportées soient tout autant diversifiées en termes d’outils, de point d’accès, de personnel pour la mise en œuvre…

Dans une vision des soins centrés sur les personnes, les offres des services de santé publics et privés (yc. communautaires), généraux et spécialisés (yc. de premier recours) doivent être diversifiées et définies en fonction des besoins des personnes que l’on cherche à atteindre. Ensuite, la mise en œuvre doit autant que possible se faire de manière intégrée (one-stop shop model) : un lieu, un temps, un·x·e intervenant·x·e pour un maximum de prestations possibles (information et conseils ; vaccinations ; dépistages VIH et des autres IST et des hépatites ; traitements du VIH préventif, d’urgence et thérapeutiques ; traitement des hépatites ; service de santé mentale et psycho-social ; offre d’affirmation de genre ; dépistage des cancers ; santé générale…).

Un exemple inspirant d’un centre de santé par et pour les personnes trans en Thaïlande : Les offres de Tangerine se sont progressivement enrichies en fonction des besoins/demandes des personnes trans (traitements hormonaux d’affirmation de genre ; dépistage du VIH et des autres IST ; traitement préventif et thérapeutique du VIH…) et continuent de l’être (projet pour les chirurgies d’affirmation de genre ou les implants capillaires). Les membres de l’équipe du centre sont pour l’essentiel iels-mêmes des personnes trans.

Au Nigéria, l’intégration des dépistages de l’hépatite C dans les services délivrant des traitements antirétroviraux contre le VIH a permis de très largement augmenter le taux de dépistage et de pouvoir entrevoir la micro-élimination de l’hépatite virale chez les personnes vivant avec le VIH.

Les offres communautaires et/ou démédicalisées sont une opportunité d’atteindre les populations particulièrement marginalisées et éloignées des services de santé. Des exemples probants ont été présentés durant la conférence :

A Bangkok (Thaïlande), une recherche-action vise à réduire le nombre de personnes perdues de vue parmi celles ayant découvert vivre avec le VIH à l’occasion d’un dépistage en milieu communautaire (20%). Les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes et les personnes trans découvrant vivre avec le VIH peuvent directement initier le traitement anti-VIH le jour même du diagnostic. Cette étude réalisée d’octobre 2021 à mars 2023 a permis à 587 personnes (72,1% HSH et 7,3% femmes trans) relativement jeunes (moy. 25 ans) d’initier leur traitement en milieu communautaire pour moitié le jour même de l’annonce. Le taux de rétention à 6 mois était de 87 % et il était encore à 84,6 % à 12 mois. A la fin de l’étude, 94,2 % des personnes suivies avaient une charge virale indétectable.

Au Brésil, un projet similaire a été développé pour les jeunes hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes et les personnes trans.

Décentralisation / Dématérialisation

Autant que possible, les points d’accès doivent être diversifiés afin d’être proches des personnes à atteindre que ce soit en termes de localisation géographique, d’horaires, de conditions d’accès et de subjectivités des personnes à atteindre.

En Tanzanie, une collaboration a été développée afin que les nombreuses pharmacies privées puissent initier et suivre des PrEP. Les personnes intéressées peuvent compléter un questionnaire d’évaluation en ligne. Ensuite, elles peuvent se présenter dans unes des pharmacies participant au projet où sera réalisé un test VIH à résultat rapide. Si le test est négatif, la PrEP est remise.

Le numérique est un outil permettant de surmonter les enjeux liés à la distance et à l’anticipation des discriminations et des jugements. Plusieurs projets utilisent les outils numériques pour atteindre les membres des populations clés ainsi que pour leur données accès aux outils (informations et conseils, dépistages, traitements VIH préventifs et thérapeutiques).

E-PrEPPY est une recherche action de délivrance de la PrEP aux hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes et aux personnes trans par l’ONG communautaire LoveYourself aux Philippines. Une plateforme en ligne permet de répondre à un questionnaire d’évaluation. Sur la base des réponses, une consultation en ligne est réalisée par un agent communautaire. Ensuite, un autotest VIH est envoyé. Si le résultat est négatif, le premier mois de PrEP est envoyé avec un second autotest. Même procédure deux mois après puis tous les trois mois tant que le dépistage est négatif. En cas de test réactif, la personne est orientée vers un service de santé. Les kits PrEP+autotest peuvent être envoyé à n’importe quelle adresse postale, dans une des nombreuses boutiques d’un partenaire commercial ou encore livrés par un coursier d’un service propre au projet.

Pour d’autres informations concernant les présentations et les posters : (2023), Abstract Supplement Abstracts from IAS 2023, the 12th IAS Conference on HIV Science, 23 – 26 July, Brisbane, Australia & Virtual. J Int AIDS Soc., 26: e26134. doi.org/10.1002/jia2.26134

Sources

1, 2

95% des personnes vivant avec le VIH (PvVIH) connaissent leur statut sérologique.
95% des PvVIH connaissant leur statut ont accès à un traitement.
95% des PvVIH sous traitement ont une charge virale indétectable.

3
Nouvelles données d’efficacité d’un vaccin contre le méningocoque B et d’un antibiotique préventif pour réduire le risque d'IST bactériennes et efficacité démontrée du vaccin MVA-BN contre mpox. Communiqué de presse de l'ANRS, du 23 février 2023
Communiqué de presse de l’ANRS
Edit: l’analyse finale est susceptible de modifier les résultats intermédiaires de l’essai évaluant l’efficacité de la vaccination contre le méningocoque B pour la prévention des infections à gonocoques Communiqué de presse de l’ANRS du 15 mai 2023

4
Molina JM, Charreau I, Chidiac C et al.Post-exposure prophylaxis with doxycycline to prevent sexually transmitted infections in men who have sex with men: an open-label randomised substudy of the ANRS IPERGAY trial.Lancet Infect Dis., 2018; 18(3): 308-17. doi: 10.1016/S1473-3099(17)30725-9

Luetkemeyer A, Dombrowski J, Cohen S et al.Doxycycline post-exposure prophylaxis for STI prevention among MSM and transgender women on HIV PrEP or living with HIV: high efficacy to reduce incident STI’s in a randomized trial. The 24th International AIDS Conference, Montreal, Canada, 2022.

San Francisco Department of Public Health. Health Update - Doxycycline Post-Exposure Prophylaxis Reduces Incidence of Sexually Transmitted Infections. San Francisco Department of Public Health, October 20, 2022.

Molina JM, Bercot B, Assoumou L et al. ANRS 174 DOXYVAC: an open-label randomized trial to prevent STI in MSM on PrEP. Conference on Retroviruses and Opportunistic Infections (CROI), 19-22 Février 2023, Seattle, Washington (voir extraits de la présentation dans Roncier C. DOXYVAC confirme l’efficacité de la doxycycline et du vaccin anti méningocoque B en PEP ainsi que celle du vaccin anti-variolique chez les prépeurs. vih.org, 23 février 2023)

Cornelisse VJ, Ong JJ, Ryder N et al.Interim position statement on doxycycline post-exposure prophylaxis (Doxy-PEP) for the prevention of bacterial sexually transmissible infections in Australia and Aotearoa New Zealand - the Australasian Society for HIV, Viral Hepatitis and Sexual Health Medicine (ASHM). Sexual Health, 2023. doi: 10.1071/SH23011

Kenyon C, Baetselier ID, Wouters K. Screening for STIs in PrEP cohorts results in high levels of antimicrobial consumption.Int J STD AIDS, 2020; 31(12): 1215-1218. doi:10.1177/0956462420957519

 

Photos : ias2023.smugmug.com