«La première question porte toujours sur l’état général» : Aide Suisse contre le Sida

«La première question porte toujours sur l’état général»

Claudia Bernardini travaille comme infectiologue et spécialiste du VIH au Centre de médecine de l’addiction Arud, une institution réputée en ville de Zurich pour les personnes toxicodépendantes. Elle prend en charge et conseille des personnes séropositives. Entretien sur le traitement contre le VIH.

© Goran Basic

INTERVIEW: Brigitta Javurek | Octobre 2021

Que doit inclure un premier entretien avec une personne séropositive?

Il m’arrive souvent d’accueillir de nouveaux patients qui prennent déjà des médicaments contre le VIH. J’essaie alors de me faire une idée, d’avoir une vue d’ensemble: depuis combien de temps prennent-ils ces médicaments, y en a-t-il qui seraient plus appropriés? Je lis attentivement leur dossier médical quand je le reçois et je fais ensuite une anamnèse avec la personne, ce qui me permet d’obtenir tous les renseignements utiles. La première question porte toujours sur l’état général. Si la personne ne sait pas quel médicament elle a pris par le passé et que cette information n’a pas encore été transmise par d’autres médecins, nous regardons ensemble le tableau des médicaments et essayons de définir celui ou ceux qu’elle a pris. Je lui demande aussi si elle a des troubles du sommeil, comment va sa santé psychique, si elle consomme des drogues et lesquelles, comment ses journées sont structurées, quel est son environnement social, son vécu, etc. Puis je fais un examen clinique et un test sanguin afin d’évaluer l’état général de la patiente ou du patient.

«La première question porte toujours sur l’état général. Si la personne ne sait pas quel médicament elle a pris par le passé et que cette information n’a pas encore été transmise par d’autres médecins, nous regardons ensemble le tableau des médicaments et essayons de définir celui ou ceux qu’elle a pris.»

D’après quelles directives prescrivez-vous les médicaments contre le VIH à votre patientèle?

Je m’en tiens aux recommandations européennes (EACS). Elles précisent notamment à quel moment il est judicieux de changer de traitement, avec quels médicaments il faudrait commencer, quels sont les cas spéciaux. Ces recommandations sont régulièrement mises à jour et je les connais par cœur. Mais ce qui est plus important à mon sens, ce sont les congrès auxquels je me rends chaque année, ainsi que les séminaires en ligne et les informations des groupes pharmaceutiques. Cela me permet d’anticiper ce qui va arriver et je peux réfléchir à d’éventuelles améliorations du traitement pour mes patientes et patients. J’ai commencé à travailler avec des personnes séropositives en 2005, alors que je n’étais encore qu’une jeune médecin. Au fil du temps, j’ai réuni de vastes connaissances sur l’histoire des antirétroviraux. Je me souviens par exemple du temps où il fallait les garder au réfrigérateur et où ils signifiaient bien plus de frais et d’effets secondaires pour les personnes concernées. Je prescris généralement les médicaments en fonction des recommandations, mais il m’arrive de faire autrement, par exemple au cas où des médicaments sont susceptibles d’entraîner une prise de poids ou d’avoir des effets secondaires de nature psychique. Or un grand nombre de mes patients souffrent de troubles psychiques et ne mènent pas une vie saine. Suivant mon évaluation, il m’arrive de prescrire à ces personnes-là des médicaments qui ne figurent pas dans les recommandations comme traitement de première ligne.

Comment procédez-vous pour unchangement de traitement?

Il est essentiel que le patient ou la patiente supporte bien le traitement: c’est indispensable pour que la personne soit motivée et qu’elle prenne ses médicaments régulièrement. C’est aussi important que le traitement soit efficace et qu’il ait peu d’interactions avec d’autres médicaments. Si des patientes et patients souffrent de graves effets secondaires, ils auront envie de commencer un nouveau traitement et seront motivés à le faire. Si le traitement convient, ce qui est très souvent le cas, je vérifie la présence éventuelle d’autres effets indésirables – par exemple en contrôlant le taux de cholestérol, les paramètres rénaux et hépatiques, en analysant un échantillon d’urine, etc. Je passe en revue une à une toutes les possibilités. Il y a des effets secondaires qu’un patient ne remarque pas, mais il faut veiller aux effets cumulés à long terme, notamment en termes de risque cardiovasculaire ou d’ostéoporose. Il peut arriver que je propose à une patiente ou à un patient de changer de traitement si un médicament amélioré arrive sur le marché. Cela peut permettre par exemple de réduire les risques à long terme.

© Goran Basic

Que se passe-t-il s’il y a des problèmes lors du changement?

Les effets secondaires graves sont heureusement très rares de nos jours. Si cela devait quand même arriver, la personne peut interrompre brièvement son traitement, prendre rendez-vous et nous envisageons ensemble la meilleure façon de faire. Mais je le répète, cela n’arrive pas souvent. Les effets secondaires apparaissent généralement au début et disparaissent après peu de temps. Il faut de la patience, et nous évoquons ensemble au préalable tous les problèmes susceptibles de se manifester. J’adopte une attitude proactive: je me mets à l’écoute de mes patientes et patients afin d’améliorer leur qualité de vie. Cette méthode a fait ses preuves et crée la confiance. Je suis aussi atteignable par courriel et je réponds à toutes les questions aussi vite que possible. Et en cas d’urgence, il y a toujours un ou une médecin de garde à l’Arud.

«De bons soins médicaux pour tous, voilà l’un de mes principes. Je peux le mettre en pratique jour après jour à l’Arud».

Le sexe, le statut, l’orientation sexuelle, l’origine des patientes et patients varient. Comment gérez-vous cet aspect?

Oui, c’est vrai qu’il y a de grandes différences entre un jeune gay qui change régulièrement de partenaire sexuel et un toxicodépendant d’un certain âge sans libido, même si tous deux sont séropositifs. Chez les femmes, c’est encore autrement. Dans mon travail, l’anamnèse sexuelle est très importante pour la réduction des risques. Je demande toujours: quelle est votre orientation sexuelle? Vivez-vous une relation stable ou avez-vous plusieurs partenaires? Combien? Pour communiquer, je me débrouille avec l’allemand, l’anglais et l’italien. Si le message ne passe pas, j’essaie en dessinant, en montrant des images ou avec Google Translator. Le centre Arud pratique une sorte de modèle de médecin de famille en réunissant différents services sous un même toit: psychiatrie, médecine de l’addiction, médecine interne, infectiologie. Nous proposons même une prévention gynécologique depuis quelques mois.

Comment les représentants pharmaceutiques font-ils la promotion de leurs offres?

Ils me contactent par courriel, puis nous convenons d’un rendez-vous. J’aime bien recevoir des informations de la part des groupes pharmaceutiques – mais je ne me laisse pas forcer la main. Je me fie à mon expérience.

A quoi faut-il s’attendre à l’avenir?

Je suis heureuse si les personnes séropositives ne doivent plus prendre de médicaments chaque jour à l’avenir. Ce n’est pas toujours facile, surtout pour des jeunes. Bien sûr, les diabétiques ou les personnes souffrant d’hypertension en prennent aussi tous les jours, et un seul médicament, ce n’est pas dramatique. Mais pour des personnes qui n’arrivent pas à se rappeler chaque jour qu’elles ont des médicaments à prendre, un implant à longue durée d’action ou une injection mensuelle peuvent être une solution. Une de mes patientes n’arrive pas à passer au-dessous du seuil de détection bien qu’elle soit suivie de près. Nous n’en comprenons pas bien la raison, mais nous supposons qu’elle recrache les comprimés et qu’elle les vend. Pourtant, nous savons que le traitement marche chez elle parce qu’en prison, elle était indétectable. Pour quelqu’un comme elle, un implant à longue durée d’action pourrait être une bonne chose. Mais il s’agit là d’un cas extrême. Cela pourrait aussi être la solution pour des femmes dans des pays pauvres qui n’accèdent pas facilement aux soins et qui sont discriminées. Par contre, l’injection bimestrielle n’entre pas en ligne de compte pour un grand nombre de mes patientes et patients qui souffrent de phobie des seringues. Ils ne se piquent plus et craignent une rechute. Ou bien ils ne veulent pas recevoir une piqûre de quelqu’un d’autre, ce qui peut paraître paradoxal.

ARUD

La communauté de travail pour un usage des drogues à moindres risques (Ar­beits­gemeinschaft für risikoarmen Umgang mit Drogen, Arud) est fondée en 1991, un an avant la fermeture du Platzspitz à Zurich. L’Arud distribue des seringues aux toxicodépendants et les prend en charge au mieux. A partir de 1992, elle propose les premiers traitements à bas seuil à base de méthadone pour les héroïnomanes. En 1995, elle met sur pied sa propre division de re­cherche et, en 2000, lance une campagne d’information et de sensibilisation sur le thème de l’hépatite C. Aujourd’hui, l’Arud propose un soutien et un traitement individuels pour tout type de dépendance: cela va des problèmes avec la consommation de substances psychoactives jusqu’aux comportements addictifs. Le centre est par ailleurs spécialisé dans le traitement du VIH et de l’hépatite C. www.arud.ch

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